Les éleveurs transhumants ont particulièrement souffert de la crise. La transhumance avait déjà créé de longues histoires de contentieux avec des cultivateurs. Les sécheresses des années 1970-1980 avaient contraint beaucoup à quitter leur terroir d’origine. Avec cette crise des hommes de brousse, des volontés de retour s’affichent. Mais leur réintégration sociale va demander beaucoup d’efforts.
Le Séno Bankass est une des rares zones des régions du centre du Mali ou on observe un peu de quiétude. Les symboles de l’Etat sont visibles, les écoles sont ouvertes, l’Administration est présente et les populations vaquent à leurs affaires.
Figure 1: Cliché Mamadou TOGOLA, foire de Sokoura Octobre 2017
Bien que cette relative quiétude y soit, elle est classée zone rouge à l’image de toute la région centre du Mali. La population de Séno Bankass vie dans une situation de peur qui a entrainé une méfiance totale entre les populations aujourd’hui, on ne sait pas qui est qui.
Processus d’infection du séno par la peur
Depuis 2015, le centre du Mali est devenu le sanctuaire des événements étranges. Commencés dans le Hayré quand des peuls transhumants bergers ont décidé s’allier au MUJAO dans l’optique de prendre en main leur auto-défense en l’absence de l’Etat[1].
Du Hayré, la ménace a contaminé la zone innondée.
La zone innondée est ce vaste étendu d’espace dans laquelle les transhumants se retrouvent pour passer les périodes de soudure avec les animaux. Les ressortissants de divers térroirs se retrouvent avec divers animaux. Dans les année 1970 et 1980, elle a vu l’arrivé de dievers transhumants des zones exondées de Séno fuyant les sécheresses. Beaucoup de ces transhumants se sont établis définitivements dans la zone.
Avec la crise qui sévie dans le delta, ces transhumants subissent des contraintes. Ce qui a entrainé naturellement en la plupart d’eux le sentiment de retour dans leur terroir d’origine. Cette manifestation de la vonlonté de rétour dans le terroir a coincidé avec des évènements dans le Séno.
Ainsi, le cercle de Bankass fait frontière avec le cercle de Tominian dans sa partie falaise[2]. Cette falaise est un prolongement naturel qui borde facilement le cercle de Djenné. Dans la partie falaise de Bankass se situe essentiellement la commune de Ségué. C’est dans cette commune que les Pseudo-djihadistes encore appéllés Hommes de Brousses ont pu se celer en devenant une sorte de sanctuaire des djihadistes. Ils auraient emprunté ce prolongement naturel en venant des localités de Djenné.
La commune de Ségué est cette zone montagneuse où cohabitent les Dogons, les peuls et des Dafings. On y pratique l’agriculture, l’élevage et la chasse. Les chasseurs traditionnels ont tous les temps existés. Il y a beaucoup d’espace sur ces falaises où se dirigent en général les peuls transhumants quand l’hivernage commence.
Avec l’arrivée des pseudo-djihadistes, certains peuls se seraient réjouis d’eux comme des alliés. Certains disent que les rebelles[3] ont infiltré les peuls pour arriver dans la zone, sinon il n’y avait pas de rebelle là-bas ni de bandits. Mais le fait qu’ils commencent à arriver un a un, il y en a qui disent que c‘est par le canal des peuls. C’est ce qui a installé le doute maintenant. Sinon avant il n’y avait pas ce doute. Face à cette situation, le doute anime le cœur de certaines personnes à l’égard des peuls.
A Ouenkoro également il y a eu deux incidents de graves ampleurs. Il s’agit de l’attaque de la gendarmerie et du poste de la Douane. Il y a aussi l’assassinat de l’agent des eaux et forêt.
Cette peur s’est généralisée à tels point, que le rétour des peuls transhumants pose de problème
Figure 2: Cliché Mamadou TOGOLA troupeau en provenance des sites de pâturage à Ouenkoro Octobre 2017
Problématique du rétour des transhumants :
Plusieurs transhumants de Séno ont quitté le Séno depuis plus de trois décennies. Si certains venaient de temps en temps passer des moments dans le Séno, d’autres se seraient définitivement installés ailleurs et particulièrement dans le delta. Les difficultés dans le delta ont affecté ces peuls transhumants allochtones.
Par ailleurs, on constate à travers la sous-région, que les transhumants sont de plus en plus exclus des pays voisins. Au Chana, il y a des transhumants dont certains de Séno qui ont été expulsées deux fois à la frontière ; Ils se sont retrouvés vers la bande transfrontalière Mali-Guinée et Cote d’ivoire, là encore ils ont été buttés au même problème. Chassé en Guinée, ces personnes sont rentrées au Mali dans la région de Sikasso vers Yanfolila et Bougouni ; de là encore, on leur a sommé de quitter dans un délai de 15 jours.
De ces faits, une volonté manifeste du retour dans leur terroirs s’est affichés. Mais ils sont confrontés à d’énorme problème d’intégration.
Problème d’intégration
L’intégration dans le contexte de méfiance est de double sens. D’une part c’est les transhumants de retour qui doivent chercher à être intégrer. Mais on constate qu’ils se cachent. Ils ont peur de se montrer. D’autre part, c’est la communauté d’accueil qui doit les accueillir à bras ouverts. Mais la situation est de telle sorte que cette population d’accueil a peur d’eux. Chacun se regarde à chien de faillance
Ce qu’il faut faire dans l’immédiat
Avec l’opération Séno, les terroristes ont eu un coup dur dans leur capacité de nuisance. Certes, à présent on entend parler de certaines actions impromptues comme des prêches. Mais force est de reconnaitre que la population vaque à ses affaires dans la zone. Toutefois elle le fait avec la peur au ventre. Pour la quiétude, il faudrait déconstruire la peur qui animent les populations à l’égard des uns et des autres. La déconstruction de cette peur passe nécessairement par la communication anticipative. L’objectif de cette communication anticipative doit consister à rassurer les populations d’accueil et celles de retour ; elle doit vite corriger les rumeurs. Or, on dénote l’absence d’une réelle communication dans la zone ; Il n’y a que la radio Séno et de Bay qui diffusent dans la zone ; les autres communes par exemple Sokoura ne disposent pas de radio. Actuellement on compte sur les commissions de personnes ressources mises en place à la suite du forum de Bankass[4]. Ces commissions doivent aller vers les personnes qui sont de retours et échanger sur leur insertion sociale.
[1] Boukary SANGARE, Avril 2015 « Les violences récentes dans le centre du Mali : le Hayré serait-il en passe de redevenir un « no man’s land » ?
[2] Cette zone montagneuse était devenue le sanctuaire des djihadistes.
[3] Dans la zone, les gens utilisent le terme rebelle, djihadiste, homme de brousse et bandits sans faire de distinguo
[4] Dans le cercle de Bankass, un forum intercommunautaire qui a eu lieu lundi 06 juin 2016. Ce forum intercommunautaire a enregistré la présence de deux membres du gouvernement et de plusieurs cadres de la région avec plus de 300 personnes à Bankass (cercle de Mopti), où depuis septembre 2015, les Peuls et les communautés Bobo, Dogon, Dafing et Samogo nourrissent des rancoeurs les uns envers les autres. Avec en toile de fond un climat de suspicion sur les liens supposés entre les Peuls et les djihadistes. Il a permis de dégeler le climat entre les différentes communautés. (Voir Kisal du 11 juin 2016)