Deux des principales conséquences de l’embrigadement des pasteurs peuls dans le radicalisme religieux sont d’abord la restructuration puis la déstructuration du pulaaku. La communauté peule fortement diversifiée et fondamentalement hiérarchisée a vu son organisation socio-politique mise à mal par l’implantation à partir de janvier 2015 de nouveaux acteurs se réclamant du djihad.

  • Autochtones et allochtones à éliminer au profit des précisions sur ceux qui se radicalisent.
  • Adhésions massives à supprimer. Et chercher à avoir des précisions sur le nombre de combattants, de porteurs, de djihadistes
  • La partie élection à éliminer car elle doit faire l’objet d’un autre blog
  • La restructuration à expliquer : les causes et les engagés ne sont pas que d’allochtones
  • La déstructuration à expliquer

La crise multidimensionnelle qu’a connue le Mali en 2012 a vu la rébellion malienne pactiser avec les djihadistes nationaux et internationaux afin de venir à bout de l’armée malienne dans le septentrion du pays. Cette alliance contre nature n’a pas tenu longtemps à cause de la divergence d’agendas des uns et des autres. Les indépendantistes finirent enfin par perdre le terrain au profit des radicaux. Ces derniers virent leur côte de popularité monter suite à la cuisante défaite qu’ils avaient infligée aux combattants du MNLA[1] à Gao dont les velléités indépendantistes ne sont pas partagées par la très grande majorité des populations du nord. Avec ce succès militaire, les djihadistes eurent ainsi la faveur des adhésions dont celles des défections issues des rangs de la rébellion. Parmi les nouvelles adhésions auprès des moudjahidines, il y avait celles des pasteurs nomades dont l’embrigadement avait contribué et contribue encore à diviser la communauté peule du Mali déjà fortement diversifiée.

  • Quels sont les Peuls qui avaient rejoint lesdits moudjahidines ?
  • Sont-ils les djihadistes qui sèment la terreur dans le centre du pays depuis janvier 2015 ?
  • Qui sont ces Peuls qui ont troqué leurs gourdins aux Kalachs ?

Dans le centre du pays, nous avons une grande concentration de la communauté peule. Le centre du Mali est constitué de douze cercles repartis en trois régions. Nous avons entre autres, les huit cercles de la région de Mopti, trois cercles de la région de Ségou en l’occurrence Niono, Macina et Tominian puis le cercle de Niafunké dans la région de Tombouctou. Partagée entre zone inondée et zone exondée, nous avons dans cette partie du Mali une large répartition de la communauté peule. Elle est divisée en deux : la zone inondée où vivent des Bourgoukoobé (Peuls du Bourgou) et la zone exondée habités par des Sénonkoobé (Peuls du Séno). Parmi les Bourgoukoobé, nous avons des Macinanké, des Salsalbé, des Sossobé, des Yalarbé, des Sonnaabé, des Tiorikoobé, des Peuls de Farimaké, de Nassadi, de Djenneri, de Fakalaari, du Mourari, etc. Il en est de même pour les Sénonkoobé. Ces derniers sont repartis entre Hairékoobé, Gondokoobé, Wouwarbé, Foulgankoobé, Komogankoobé, etc.

L’embrigadement des pasteurs peuls a été favorisé par la présence de quelques éléments peuls notamment le célèbre prêcheur peul nommé Hamadoun Koufa dans les rangs des moudjahidines. Depuis son adhésion à la Dawa tabligh en 2009, il avait sillonné le centre de long en large pour inviter le pulaaku à se joindre à la lutte noble qu’est le djihad. Auparavant, il avait gagné la confiance des populations martyrisées par ses critiques véhémentes contre les autorités étatiques et traditionnelles, les érudits, les élites locales et les propriétaires coutumiers. C’est pour dire que c’est facilement qu’il fut accompagné par une cohorte de jeunes issus surtout des pasteurs nomades ameutés d’extorsions et de ponction de la part des Diowros en complicité avec les agents de l’Etat dont ils ne cessent de faire l’objet à chaque entrée des bourgoutières dans le Delta.

Avec ces adhésions massives, la communauté se divisa entre autochtones et allochtones. Les premiers soupçonnaient les seconds de s’armer pour remettre en cause l’ordre établi. Et les seconds armés ne cessaient de prêcher contre l’injustice dont ils avaient toujours subi de la part des premiers. Taxés d’être de collaborateurs de l’Etat qui incarne l’injustice, les leaders locaux subirent les affres des nouveaux maîtres. Certains d’entre eux furent réduits au mutisme et subirent de plein fouet les humiliations de toutes sortes de la part de leurs bourreaux. Et d’autres prirent le chemin de l’exil. Ainsi, nous assistâmes à une division sans précédent de la communauté peule entre porteurs d’armes « bakindo » et non porteurs d’armes « mô wakaaki ».

Avec la guerre de reconquête amorcée au premier trimestre 2018, les Peuls non porteurs d’armes (surtout sédentaires) très contents du retour de l’Etat virent leur rêve de paix s’évanouir. Pour cause, les militaires maliens accompagnés de leurs acolytes de la milice donso ne font pas de distinction entre Peuls et djihadistes. Désormais, le débat n’est plus à la question d’autochtones et allochtones encore moins entre porteurs et non porteurs d’armes : c’est l’amalgame.

Cette scission entre les sédentaires et les nomades qui était déjà consommée prend une tournure inédite. Avec « la chasse aux Peuls » engagée dans le centre, le pulaaku s’effrite au jour le jour. Car les différentes composantes de la communauté ne se reconnaissent plus dans ce groupe ethnique qualifié de terroristes tous azimuts. Ainsi, les Diawandos, les hommes de castes et les Rimaibé (anciens captifs) prirent leur distance du pulaaku. Pour ne rien arranger, les « hommes de brousse » surnom local des djihadistes accusèrent ceux-ci de comploter contre eux. Pire, ils considèrent les sédentaires d’avoir fait appel à l’armée pour les déloger. Comme sanction, ils interdirent à tous l’accès à la brousse pour y faire paître leurs animaux, pour y cultiver, pour y pêcher et même pour y chercher du bois de chauffe. Depuis deux mois, nous assistâmes à une situation de dépossession et d’expropriation des éleveurs peuls nomades comme sédentaires.

D’un côté, les Peuls sédentaires souffrent à cause du fait que les bergers et leurs troupeaux qui errent par ci et par là sont attaqués par les FDS et les Donsos. Ces derniers ne font pas de distinction entre les Peuls. Tout berger ou toute personne même simple qui porte l’accoutrement peul est tiré à bout portant soit par l’armée, soit par leurs acolytes donsos. Plusieurs exemples dans le Djenneri, dans le Sanari et à Diafarabé. De l’autre côté, les djihadistes retirent à certains peuls sédentaires, diawandos leur bétail comme ce fut le cas récemment à Dialloubé. Cette déstructuration de la communauté peule s’est fait sentir même dans les élections. Les consignes étaient données par les uns et les autres à la faveur ou à la défaveur des Peuls. Car parmi les deux candidats finalistes, les Peuls auraient un ennemi et un ami.

[1] Mouvement National de Libération Nationale