Tout au long de l’histoire, des êtres humains ont dû abandonner leur foyer et rechercher ailleurs la sécurité afin d’échapper à la persécution, aux conflits armés et à la violence politique. Lorsqu’ils trouvent un endroit, ils deviennent des réfugiés. Depuis la crise de 2012, le Mali n’a pas été épargné par ce phénomène. D’ailleurs, la plupart des religions respectent des concepts tels que l’asile, le refuge, le sanctuaire et l’hospitalité pour les gens en détresse. Selon la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés, un réfugié est une personne qui “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions publiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays…”.

S’en tenir à cette définition restrictive revient à exclure les déplacés internes du champ des réfugiés. Le Mali à l’heure actuelle connait un grand nombre de déplacés internes qui ne peuvent souvent pas réclamer d’être protégés.

Pourtant la notion de réfugiés du point de vue élargi doit prendre en compte les mouvements internes dans un même pays des personnes en situation de détresse ;
comme le cas des déplacés du centre au sud du Mali.

En effet de 2012 à nos jours, le Mali a connu une triple crise, une crise sécuritaire qui a pris les deux tiers de son territoire, une crise politique avec un coup d’Etat et une crise humanitaire, avec plusieurs centaines de milliers de déplacés vers les régions du sud. Depuis 2015, Le territoire malien a été ainsi le théâtre de plusieurs attaques en moins deux ans, causant plusieurs centaines de morts et blessés, récemment à Koulogo, le 31 janvier 2019 où 37 personnes ont été tué par des hommes armés dit non identifiés, Ogassagou, le 23 mars 2019, carnage qui a fait 174 morts côté civils ; La Mission de l’ONU au Mali (Minusma) a présenté le 2 mai les conclusions de sa mission d’enquête sur l’attaque d’Ogossagou, que c’était “planifiée, organisée, et coordonnée” et menée par “au moins une centaine d’hommes armés, identifiés en majorité comme des chasseurs traditionnels”. À Hérémakono, plus d’une dizaine de civils peuls ont été tués dans la région de Ségou (centre du Mali) par des hommes habillés en tenu dosons à 9h du matin, le hameau peul a été attaqué, situé à 8 km de la ville de Niono, à Guiré, à Dioura, à Yoro, à Gangafani, à Ouenkoro….
L’insécurité s’est propagée au centre du pays devenant une sorte de véritable chasse à l’homme.

Alors que la violence était principalement maintenue au nord du Mali. Quand un mouvement armé fondé par le prêcheur Amadou Kouffa s’est constitué dans la région, l’embrassement est devenu générale. Ce prédicateur peul est également un allié du groupe djihadiste Ansar Dine sous la direction Iyad Ag Ghaly.
Selon Mathieu Pellerin, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et au Centre pour le Dialogue Humanitaire, l’existence d’une katiba d’Ansar Dine composée majoritairement de peuls a “jeté le discrédit sur la communauté peule de la région de Mopti et du nord de la région de Ségou”.

Un chercheur M Pellerin, spécialiste en géostratégie dans la région du Sahel explique à VICE News que: “Depuis 2015, les incidents de nature foncière ou de simples conflits de voisinage impliquant des Peuls prennent une tournure ultra-violente parce qu’ils sont systématiquement suspectés d’appartenir à la nébuleuse djihadiste”. Les Bambaras, comme d’autres communautés sédentaires, se sont rapidement organisés en milices. Depuis, des conflits surviennent régulièrement sans qu’aucun mécanisme pérenne ne permette de contenir ces poussées de violences.

Une amalgame générale est depuis installée, faisant des peuls acteurs des actes des pseudo-djihadistes, alors qu’elles font partie des premières victimes de ces violences, car de nombreux peuls (notables, leaders religieux) sont éliminés du fait de leur opposition aux groupes djihadistes.
Il y a énormément d’exactions, spécifiquement contre des Peuls sur la même idée erronée que tout Peul maintenant serait djihadiste. Or, ces exactions font le jeu des groupes djihadistes, les victimes voyant à nouveau dans ces groupes un moyen de se protéger. Il y a donc un gros travail de sensibilisation à faire non seulement au sein des communautés mais aussi au sein de afin d’empêcher toute forme de possible de bavure ou exaction.

La situation est instrumentalise par des acteurs politiques d’une manière à mettre les communautés dos à dos. On est de plus en face d’une situation qualifiée tantôt de conflit intercommunautaire que les communautés elle-même n’arrivent pas à comprendre. Une situation poussant ainsi des milliers d’habitants innocents des localités concernées à fuir. Parmi eux, plusieurs se sont réfugiés à Bamako, plus précisément à Faladié où ils ont construit un camp improvisé au milieu du dépôt d’ordures. Des petites cases en bois entourés de plastique s’étalent sur plusieurs kilomètres au beau milieu du dépôt d’ordure de Faladié, des petits enfants qui courent et jouent un peu partout, des fumés qui donnent l’impression d’assister au ravage de la brousse par un incendie. L’odeur qui indigne au point de couper la respiration est insoutenable. Ici se trouvent environ des centaines de personnes. Ayant des problèmes de santé, ils vivent dans des conditions inhumaines.

Cette situation dure depuis bientôt une année. “Nous n’avons jamais vu une autorité ici, mais quelques ONG et des personnes de bonnes volontés nous viennent en aide. Malheureusement c’est insuffisant”, regrette Amadou Diallo.

Il lance un appel à toutes les personnes de bonnes volontés car pour lui, le véritable danger c’est le feu qui brûle constamment à côté donc il y a un risque que le feu s’approprie des cabanes.

A Tenkelé, en allant vers Selingue, un petit village de la commune rurale d’Ouéléssébougou devenu très célèbre au fil du temps au Mali comme à l’extérieur du pays. Et pour cause, tous les dimanches, des milliers de personnes venant de Bamako, de l’intérieur comme de l’extérieur du pays s’y rendent pour aller recevoir les bénédictions du Pasteur Michel Samaké, un natif de ce village. C’est dans l’enceinte d’une église abandonnée que plusieurs Dogons ont trouvé refuge. Mamadou TABADOGO, le chef de famille disait « vivant dans les hameaux, nous sommes ici parce que, il n’y avait plus de sécurité chez nous, donc nous ne pouvons plus rester. Il y a mon frère qui a été assassiné et autres personnes aussi, l’enlèvement de nos animaux. Le reste de bœuf qui nous restait a été vendu pour faire le voyage. Quand nous sommes arrivés ici, les élus communaux sont passés, en nous apportant des habits, des nattes et des vivres. La plupart des gens de notre village se trouvent ici. Nous sommes arrivés à Tenkelé à travers le contact d’un de nos frères qui vivait ici, après les échanges téléphoniques, ce dernier nous a invités à venir vivre. Nous sommes au nombre de deux cent deux(202) personnes »

A Bougouni et environnant, les peuls sont venus de partout dans les cercles du centre du pays.
Tous ces réfugiés qu’on a eu à raconter, souhaitent juste que la paix revienne pour qu’ils puissent rentre chez eux. « J’ai entendu que la communauté peul était cible donc j’ai fait mes valises avec ma famille » dit Mamadou BASSOUM, un djawaando et éleveur dont toute sa famille lui a rejoint à Bougouni de nos jours. Son fils Oumar Bassoum de 26 ans vendeur de puce téléphonique a été pris par les jeunes Dogons à la suite d’un petit échange entre son fils et un jeune connu du village Nacri SAGAFE qui est (chef du groupement des jeunes qui assure la sécurité dans le village).

Selon les dits, d’un de ces fils encore du nom de Alou BASSOUM, ce dernier affirme à Sogoli chez eux, des Dossos n’hésitent pas à porter main aux femmes. Il témoigne les avoir vu donnent une claque de gifles à une vieille dame, car cette dernière s’opposait à ce qu’ils coupent la main de son fils que les dossos même ont égorgé.
D’ après Baara Borri Diallo, un berger, conseiller à la Mairie et jooro disait « L’insécurité m’a fait fuir et elle est toujours présente ». Il n’y a plus d’éducation, tous les enseignants ont fui à cause de l’insécurité y inclus les conflits, la menace des engins explosifs improvisés, les attaques, nombreux ont été obligés de se déplacer ou de fuir les violences.

L’accès à l’éducation aux services sociaux de bases, à la santé est devenu très limitée à cause de multiple facteurs ; notamment des attaques ciblant les écoles et les structures sanitaires et leur personnel. Nombreux d’enfants sont ainsi privés de leur droit à l’éducation dans les régions affectées. Les centres de santé ne fonctionnent plus parce que les médecins ont fui la violence. L’administration est presque absente de façon générale pour assurer l’accès à certains services sociaux de base. Contrairement à Tenkele, les réfugiés à Bougouni n’ont reçu aucune aides de la part des élus communaux, ni du service de développement sociale. Mais l’Association Tabital Pulaaku a fait son mieux pour venir à leur secours, en leur offrant aussi des habits, des moustiquaires et de l’argent.

Crédit photo Oumou CISSE, séance de distribution des vêtements collectent pour les déplacés à Bougouni. Avril 2019

Mon impression personnelle dans le cadre de nos recherches du Groupe ODYSSEE sur ce sujet est un sentiment de choc, de compassion et de pitié pour ces hommes, femmes et enfants qui ont quitté leur foyer pour s’installer dans des environnements malsains, elles sont dans des conditions précaires et vivent en insécurité.
Le problème ne sont pas limités aux Peuls seulement, les Dogons innocents aussi souffrent de cette situation.